La cybersécurité entre dans une nouvelle ère. Avec l’ouverture par l’ANSSI d’un portail dédié au pré-enregistrement NIS2, les organisations disposent désormais d’un premier outil officiel pour anticiper leurs futures obligations. Ce dispositif marque une étape décisive dans le déploiement de la directive européenne, qui concernera près de 15 000 organisations françaises issues de 18 secteurs essentiels. Pour les entreprises industrielles, cette démarche est une occasion de structurer dès maintenant leur gouvernance de cybersécurité.
Comprendre la directive NIS2 : un changement d’échelle pour la cybersécurité européenne
La directive
NIS2 élargit et renforce le cadre européen de cybersécurité initialement introduit en 2016. Son objectif : améliorer la résilience des organisations dont le rôle est jugé critique pour la continuité économique et sociétale.
Elle introduit notamment :
- une extension à 18 secteurs d'activité, incluant énergie, santé, transports, eau, production industrielle, infrastructures numériques, alimentation, gestion des déchets…
- une nouvelle classification entre entités essentielles et entités importantes, selon leurs effectifs, leur chiffre d’affaires et la criticité de leur activité ;
- des obligations accrues de gestion des risques, de documentation, de gouvernance, et de maîtrise de la chaîne d’approvisionnement ;
- des règles strictes en matière de déclaration d’incidents, avec des délais raccourcis ;
- la possibilité d’audits et de contrôles renforcés par l’autorité compétente.
Pour les acteurs de l’industrie, dont la continuité d’activité dépend d’écosystèmes numériques complexes (ERP, MES, infrastructures cloud, IoT, données critiques…), cette directive impose un niveau de maturité cyber plus élevé et surtout démontrable.
Un portail de pré-enregistrement ouvert par l’ANSSI : un premier pas vers la conformité
L’ANSSI vient d’ouvrir un
guichet de pré-enregistrement dédié aux organisations potentiellement concernées par NIS2.
Ce portail répond à trois objectifs prioritaires :
1. Vérifier l’éligibilité à NIS2 grâce à un simulateur
Les organisations peuvent déterminer si elles seront classées comme « essentielles » ou « importantes ».
Ce simulateur facilite l’interprétation de critères parfois complexes liés à la taille, au secteur ou à l’activité.
2. Préparer l’enregistrement officiel avant la phase obligatoire
Une fois la loi “Résilience”, actuellement en cours d’adoption, pleinement opérationnelle, l’enregistrement deviendra obligatoire.
L’ANSSI encourage les organisations à ne pas attendre, afin de réduire la charge administrative et d’anticiper les exigences réglementaires.
3. Entrer dans une démarche proactive de mise en conformité
Selon l’ANSSI, ce pré-enregistrement est un moyen précieux d’identifier les mesures de cybersécurité déjà en place, celles à renforcer et les ressources internes à mobiliser.
Vincent Strubel, directeur de l’ANSSI, rappelle d’ailleurs que la préparation en amont est essentielle pour éviter une mise en conformité précipitée et risquée à l’approche de la date limite.
Pourquoi ce portail est déterminant pour les entreprises industrielles ?
L’industrie figure parmi les secteurs les plus exposés, car elle concentre :
- des chaînes de production interconnectées,
- des flux logistiques critiques,
- une dépendance élevée aux systèmes d’information industriels (ERP, MES, WMS…),
- des enjeux de continuité opérationnelle particulièrement sensibles.
Pour ces entreprises, la directive impose notamment :
- une évaluation documentée des risques,
- une sécurisation de l’infrastructure numérique,
- la maîtrise des dépendances fournisseurs,
- la mise en place de procédures de réponse aux incidents,
- une supervision accrue de leur environnement IT et OT.
Ces obligations rejoignent les enjeux structurants déjà observés dans la digitalisation industrielle : fiabilité, performance, traçabilité, disponibilité et sécurité des systèmes.
Quelles actions engager dès maintenant ?
L’ouverture du portail de pré-enregistrement représente une opportunité d’amorcer une démarche structurée. Voici les premières étapes recommandées :
1. Utiliser le simulateur ANSSI pour vérifier son statut
Cette étape clarifie rapidement si l’entreprise relève du périmètre NIS2 et de quelle catégorie.
2. Procéder au pré-enregistrement
Une démarche simple mais stratégique, qui préparera l’obligation future.
3. Réaliser un premier audit de maturité cyber
Cet audit doit couvrir :
- les accès et identités,
- les infrastructures et hébergements,
- les processus internes,
- la sécurité du système d’information et du système industriel,
- les plans d’intervention et de continuité.
4. Documenter la gestion des risques
NIS2 exige une approche formalisée, intégrant prévention, détection et réaction.
5. Renforcer la gouvernance et les procédures internes
Rôles, responsabilités, chaîne décisionnelle, processus d’escalade : la gouvernance est un pilier majeur de la directive.
6. Vérifier la résilience opérationnelle des systèmes clés
En particulier ceux liés :
- à la production,
- à la supply chain,
- aux données sensibles,
- aux applications critiques (ERP, MES, solutions cloud).
Ces actions préparent l’entreprise à une transition sereine, conforme et maîtrisée.